Je suis arrivée au Tchad depuis septembre 2010 pour rejoindre la communauté SFX qui est à N’Djaména depuis 1988. Je suis envoyée par la communauté au service de l’Enseignement Catholique du Tchad pour une mission passionnante dans ce pays qui a traversé depuis plusieurs décennies des épisodes de guerre civiles et de troubles divers. En effet, l’Enseignement catholique du Tchad a lancé, depuis 2007, un projet d’éducation à la paix, à la citoyenneté et à la démocratie dont je suis particulièrement chargée. Il concerne depuis cette année tous les établissements catholiques primaires et secondaire du Tchad, soit actuellement 111 établissements regroupant environ 45 000 élèves et 1 200 enseignants.
Après avoir pris le temps l’année dernière de mesurer tout ce qui s’était déjà fait, de percevoir les défis et écouter les besoins, j’ai conçu quelques outils (livrets, modules de formation, manuels) qui ont été ou seront diffusés dans les établissements pour les aider à installer la paix dans la vie quotidienne et les relations des élèves et des enseignants, à l’école mais aussi dans les familles et les quartiers.
Ma conviction profonde pour cette formation est que l’instauration d’une culture de paix ne peut se faire par des discours ou des cours ordinaires, mais qu’elle suppose d’abord une transformation des manières de penser et un changement des comportements ordinaires des personnes, jeunes comme adultes. Cela passe par une prise de conscience individuelle de chacun de l’unicité de chaque personne humaine et la décision de devenir semeur de paix et bâtisseur de ponts en tous lieux. Dans les formations, tous les participants sont envoyés en « mission de paix » : ils s’exercent à poser des gestes de paix et à bâtir des ponts de paix : réconciliations, services rendus, nouvelles attitudes adoptées (en particulier des hommes vis-à-vis des femmes), ouverture et accueil porté des personnes de religion, de provenance géographique, de groupes sociaux ou ethniques différents, etc.
L’éducation à la paix, à la citoyenneté et à la démocratie s’inscrit aussi dans le fonctionnement habituel des établissements de diverses manières : les classes sont transformées en « villages » ou « cités » de paix dans lesquels les élèves s’engagent de la manière suivante : « Nous décidons de vivre la paix entre nous et de la faire vivre autour de nous ».
Pour aider chaque village ou cité de paix à atteindre cet objectif, plusieurs moyens sont ou seront mis en place :
- Formation d’ambassadeurs de paix constituant le conseil de village ou conseil municipal particulièrement chargé d’aider le groupe classe à atteindre individuellement et collectivement l’objectif de paix ;
- Choix d’un nom pour le village ou la cité : un mot relatif à la paix, en langue vernaculaire ou en français ou le nom d’une figure inspiratrice de paix ;
- L’inscription dans l’emploi du temps scolaire d’une assemblée de classe (assemblée villageoise ou conseil de cité), espace de parole et lieu d’échange sur la vie de la classe, temps de félicitations mutuelles, de propositions, d’élaboration de projets, de partage des ponts de paix construits, de régulations de conflits, dont l’animation est confiée le plus possible aux élèves eux-mêmes. Dans ce cadre sont adoptées les règles de vie de la classe tandis que les conséquences de leur transgression sont envisagées en commun.
- A partir du CM1, les ambassadeurs de paix les plus engagés deviendront « ambassadeurs-médiateurs de paix » pour l’ensemble de l’établissement.
Du côté des enseignants, ces moyens visent aussi à les aider à retirer la chicotte et autres châtiments corporels de leur pratique de conduite de classe pour se ranger définitivement du côté de l’adoption d’une pédagogie de l’encouragement, du respect, du dialogue et de la responsabilisation des élèves.
Au service de ce dispositif ambitieux, j’ai été amenée à donner des formations à tous les encadreurs de l’Enseignement catholique (Directeurs, Inspecteurs et Conseillers pédagogiques Diocésains ; Chefs d’établissements secondaires et coordinateurs du projet culture de paix ; membres des bureaux Diocésains des Associations des Parents d’élèves). Je poursuis actuellement en co-animant avec eux des formations à destination des enseignants et des élèves ambassadeurs de paix.
Partout l’accueil fait à ce projet démontre une soif et un désir de la paix. Je mets toute ma force de conviction ainsi que mon expérience (C.F.P. et Côte d’Ivoire) et ma formation antérieures (SFX et IFHIM), pour aider à assouvir cette soif et l’aider à se transformer en décision, à l’assortir de moyens concrets et l’inscrire dans un processus qui dureront après mon départ prévu pour la fin de cette année scolaire.
Ce que je constate au cours de toutes mes formations, c’est que les participants veulent tous la paix, mais bien souvent ne savent pas comment la vivre… Une formation, une éducation sont nécessaires. C’est tout le sens que je donne à ma mission : proposer des chemins concrets pour vivre la paix et aider les personnes, jeunes et adultes, à découvrir ce qu’elles vivent déjà en ce domaine, sans toujours le savoir pour le renforcer et le transmettre à d’autres. En faisant cela, j’ai pleinement conscience de collaborer à cette parcelle de ce travail d’humanisation que Dieu confie à la Communauté St François Xavier, dans la liberté de l’Esprit.